Bonjour à tous et à toutes !
Je suis encore en vie, ne vous inquiétez pas. J’ai néanmoins très peu de temps à accorder à mon blog et je crains que ça n’aille pas en s’arrangeant cette année. J’entame ce qui sera normalement ma dernière année d’étude, et encore la fac, le boulot, les chaînes Youtube et mon travail associatif, je ne sais plus où donner de la tête !
Malgré tout, je prends quelques heures pour vous préparer cet article qui traîne depuis assez longtemps dans les brouillons de mon blog…
Petite présentation
Cela fait bien un an que je connais la chaîne CulPouhiou, une chaîne Youtube où un homme nommé Pouhiou parle ouvertement de sexualité. Il y a quelques mois, Pouhiou m’a contacté pour me proposer son roman. Il se trouve qu’à ce moment-là, je l’avais déjà téléchargé et mis sur ma liseuse de moi-même, alors je n’ai fait que hâter ma lecture.
#Smartarded est le premier tome de la saga des NoéNautes, un roman d’urban fantasy véritablement original, réellement représentatif de la personnalité de son auteur. Pour faire court, c’est l’histoire d’un homme qui va se découvrir des pouvoirs particuliers et être progressivement intégré à un groupe de personnes ayant eux aussi des pouvoirs similaires. Voici un petit extrait.
Bonjour, Enguerrand, connard professionnel au chômage, Noénaute à mes heures perdues, je suis en cavale. Je trace la route dans une 205 pourrie conduite par Fulbert. Je serre les fesses à la place du mort pour fuir des gens qui aimeraient bien que je le devienne. #pasquestion. #noway. Pas moyen que je me présente comme ça. #snif ma mère est morte. #snif mon papa préfère son jeune associé à moi. #snif j’ai un super pouvoir qui sent grave la malédiction. #snif j’ai des hémorroïdes. #fuckyou.
Mon avis sur #Smartarded
Je dois avouer que la première chose à dire, c’est que ce roman m’a réellement déstabilisée. L’écriture de Pouhiou est vraiment particulière et vraisemblablement unique en son genre. Je suis habituée à des récits où l’écriture est relativement lisse, uniforme et sans grande originalité. Ici, ça n’a absolument rien à voir. Les phrases se heurtent les unes aux autres, il y a des hashtag qui ponctuent le texte, on nous lance des idées, des images sans fioriture. Tant et si bien que j’ai dû faire un véritable effort intellectuel pour lire #Smartarded en entier, pour ne pas me perdre en chemin, pour comprendre tout ce qui se passait. Ce n’est pas une lecture facile. Pas parce que c’est incroyablement compliqué et qu’il y a des milliers de personnages différents, mais parce que la forme est perturbante.
En fait, j’ai eu l’impression que Pouhiou ne ménageait pas son lecteur et sa lectrice. Ce n’est pas son but de servir une histoire toute prête sur un plateau où la personne qui lit n’a absolument aucun rôle, pas même celui de se concentrer. En un sens, c’est une bonne chose. Ne pas prendre le lecteur ou la lectrice pour un imbécile et ne pas lui mâcher le travail. Evidemment, parfois on peut avoir envie d’une histoire où le chemin est tout tracé, quelque chose pour se détendre, mais avec #Smartarded, vous allez devoir faire travailler un peu votre cervelle.
Par contre, à cause de cette écriture qui brise les conventions, j’ai eu beaucoup de difficultés à rentrer dans l’histoire, à comprendre qui était qui, les relations entre les personnages et prendre mesure de leurs objectifs. En plus, les personnages avaient parfois plusieurs noms différents ! Résultat je pense avoir zappé des moments importants au début, ce qui m’a empêché de comprendre la totalité des enjeux et les conséquences des actions. C’est dommage. Je pense que je n’étais pas assez concentrée, ou que #Smarteded fait partie de ces histoires qu’il faut lire/voir deux fois avant de vraiment comprendre tout ce qu’il s’y passe. Personnellement, ça ne me dérange pas, vous savez que l’un de mes films préférés est Cloud Altas et que j’ai dû le voir 3 fois dont 2 fois avec la page Wikipédia ouverte à côté pour vraiment comprendre le film. Malheureusement je n’ai pas eu le temps ou l’occasion de relire #Smarteded, j’espère que ça viendra.
Passé le premier tiers du livre à me battre contre la forme, j’ai quand même réussi à comprendre le fond. J’ai accroché au personnage principal et à tous ces personnages originaux qui gravitent autour de lui. L’univers créé par Pouhiou a quelque chose d’unique et d’inattendu. On est dans notre monde, mais c’est comme si on découvrait des choses cachées, secrètes, dont nous – pauvres mortels sans la moindre particularité – ne pouvions avoir conscience. La fin est surprenante et on a envie d’en savoir plus, ce qui est une bonne chose pour le premier tome d’une saga.
En bref, cette lecture était une expérience étonnante que je conseille à tou-te-s ceux/celles qui ont envie de se bousculer, de se tester et de découvrir des écrits qui changent de ce qu’on peut trouver sur les présentoirs des librairies.
Interview de Pouhiou
Peux-tu te présenter en quelques mots et ce que tu fais sur les Internets ?
Alors je m’appelle Pouhiou-oui-c’est-mon-vrai-prénom, j’ai été comédien puis l’envie de scène a été remplacée par l’envie d’écriture, et aujourd’hui sur les internets je fais des romans-blogs (le cycle des NoéNautes), je scénarise un « Guide du connard professionnel » et depuis un an j’ai une chaîne de chroniques vidéos qui parlent de Cul de manière décomplexée… ce qui pour moi renvoie au travail d’auteur et de comédien (j’ai souvent fait des chroniques radio sur des radios associatives toulousaines et ariégeoises, par exemple ^^).
Depuis combien de temps écris-tu ?
Je n’en sais fichtre rien ! En 2007, quand j’ai joué la première du seul en scène que j’ai écrit, Tocante, y’a des gens qui sont venu-e-s me voir en me disant « hé mais t’es aussi auteur, en fait ! »… Alors que moi, je me voyais pas comme ça : j’avais simplement écrit une pièce de théâtre parce que je voulais la jouer.
Puis j’ai réfléchi. Toutes les chroniques radio que je faisais depuis le lycée étaient écrites. J’avais écrit quelques nouvelles, aussi. Un scénar de court métrage… même au primaire on avait fait un fanzine artisanal avec des potes ! En fait j’ai l’impression d’avoir toujours écrit des histoires, mais comme c’était habituel pour moi, je m’en rendais pas compte…
Comment est né #Smartarded dans ton esprit ?
Cela faisait un moment que je voulais écrire quelque chose en impro, en me servant du Yi King (pour expliquer très vite et très mal : une espèce de tarot de Marseille version yin-yang avec 64 « hexagrammes », 64 cartes si l’on veut). J’avais des envies d’une histoire de télépathes, aussi… Je me disais qu’après les vampires et les loup-garous, qui symbolisent notre faim de vie et des autres, on aurait envie de conter comment entrer intimement en lien avec l’autre : dans le fantastique, c’est la télépathie qui permet ça. Et puis il y avait cette idée de connard professionnel, utilisée dans mon scénar de court-métrage, qui me revenait à la face.
Un jour, tout cela s’est mélangé. J’ai voulu diviser le Yi-King en huit livres de 8 chapitres. Je me suis dit que j’écrirais cela sous forme de blog : 4 épisode par semaine, deux semaines pour un chapitre, 4 mois pour un roman.
Je suis allé tester ce rythme d’écriture sur le canapé d’un ami, dans sa campagne, puis je me suis lancé !
J’ai cru comprendre que tu avais écrit ton premier roman dans le cadre du NaNoWriMo, quel regard portes-tu sur cette expérience ?
Alors non : c’est le 3e roman (#Apolog, à paraître sous peu aux éditions Framabook) dont j’ai écrit 50 000 mots en un mois de Novembre (en 2013). C’était beau et épuisant. J’ai mis plus d’un an, ensuite, à relire, corriger et finir le roman (qui fait dans les 65 000 mots aujourd’hui).
Le NaNoWriMo, c’est une magnifique expérience pour qui veut se lancer. Le but n’est pas d’écrire bien, mais d’écrire, point. Le truc c’est que moi j’ai voulu tout faire en même temps. Partir en sac à dos en mode « j’irai écrire chez vous », donc écrire sur une tablette (j’ai testé : c’est l’enfer), raconter mes aventures au fur et à mesure (et donc bloguer en plus d’écrire), et écrire un roman demandant des recherches historiques et un délire stylistique tout en produisant 1666 mots par jour.
Bref : j’ai eu les yeux plus gros que le clavier, et si j’ai réussi à le faire, je me suis bien épuisé à la chose et ai mis du temps à m’en remettre !
Pourquoi avoir choisi d’intégrer les hashtag au sein du récit ? Plus largement, peux-tu nous parler de ta manière bien particulière de t’adresser au lecteur ou à la lectrice ?
J’aime beaucoup ce que permet le hashtag, qui relève pour moi du Japonais : un mot, simple, sans fioritures, exprime ce qu’il dit dans toute sa puissance. Dans #Smartarded, le narrateur, Enguerrand, est un filou qui blogue et qui te veut te prendre dans son histoire. Alors il se met à tutoyer le lecteur, la lectrice : à te donner un rôle.
Il utilise aussi, beaucoup, la technique de « webrédactionnel » inventée pour tenir les internautes accroché-e-s à la lecture d’un article blog. Des paragraphes courts, beaucoup de dialogues ou de citations intercalées, etc…
Par exemple, il n’y a aucun « dit-elle » ou « murmura-t-il » dans les dialogues de ce roman : impossible de mettre ça en balise dans un blog !
Mais ce qui fut le plus amusant, ça a été de le laisser jouer avec toi, lectrice, lecteur. Il tend des pièges et sème des indices tout le long du roman, et à la fin ce connard (professionnel) te montre avec délice à quel point il a pu te duper ^^ !
Pourquoi qualifier tes romans de « hétéro-friendly » ?
J’avais envie d’un monde où l’orientation sexuelle, ou de genre, n’avait au final que peu d’importance. Qu’une relation homosexuelle ne soit pas une révélation, mais un détail normal, de fond. Aucun scénariste n’annonce en grande pompe que son personnage est hétéro !
Alors j’ai laissé mes personnages aimer et être ce qu’illes voulaient. Aux relectures, je me suis rendu compte que la normalité dans ce roman n’avait rien à voir avec les normes de notre culture. On vit dans un monde où des bars marquent sur leur devanture qu’ils sont LGBT-Friendly, comme si c’était exceptionnel d’offrir la tolérance et le respect (et malheureusement, aujourd’hui et trop souvent encore, c’est en effet exceptionnel).
Du coup, mes romans sont hétéro-friendly : parce que ça me fait rire.
Pourquoi est-ce important pour toi de mettre en avant des personnages LGBT+ ?
Ça n’est pas important, je veux simplement que ça devienne naturel. Quand j’ai vu Metrosexuality, au début des années 2000, j’ai été impressionné par cette série ou tout le monde est bi, black, lesbienne, hétéro, invalide, curieuxse, trans, métisse, gay… Et où on en a rien à foutre ! Ce sont juste des persos qui cherchent comment aimer, se faire aimer, etc !
L’effet de cette série était étrange et délicieux : c’était tellement normal, dans ce monde-là, qu’on eut dit de la science-fiction, une de ces œuvres où la société n’a pas les mêmes règles que la nôtre… Et ça m’a permis d’avoir du recul sur la culture dans laquelle je vivais.
J’ai voulu (et tenté d’) avoir le même effet dans le cycle des NoéNautes. Il n’est pas important que des persos LGBT+ y soient mis-es en avant, il est juste important que tout cela soit naturel, leur norme.
As-tu déjà prévu le contenu des 5 prochains romans ?
Non : j’ai juste les hexagrammes du Yi-King dans un certain ordre, et j’improviserai selon cela. Alors oui : je sais bien ce qu’il va se passer avec les complots et la prophétie en cours… mais je pense que ce que je sais ne va pas me durer bien plus loin que le 4e roman !
N’as-tu pas peur de t’être lancé dans un projet trop pros avec 8 romans ?
Si, grave… Il faut pas que je regarde aussi loin, sinon je me glace de terreur. Pour l’instant, je me concentre sur la sortie du 3e, et je dois ravaler la façade du blog pour y écrire le 4e… On verra combien de temps cette aventure restera dans ma vie, on verra bien si j’y parviens.
Et si je n’y arrive pas, ce n’est pas grave : je donnerai les clés, tout ce que je sais de la suite, librement, et chacun-e pourra continuer l’histoire comme ille l’entend ! C’est aussi ça, l’avantage d’écrire directement dans le Domaine Public.
Quel est ton rythme d’écriture ? As-tu une technique particulière ?
Pour les deux premiers, #Smartarded et #MonOrchide, j’ai écrit au moins 800 mots par jour, 4 jours par semaine, pendant 4 mois. Pour le troisième romans, j’ai expliqué le nanowrimo et toute l’angoisse derrière…
Ma technique, elle est simple : procrastiner et me mettre une échéance. Je savais que je devais publier à 17h28 précises. Alors dès le matin, je me mettais devant mon clavier et je prenais du retard. J’allais sur mes blogs, mes réseaux, mes emails… Jusqu’à ce que j’en ai marre, et que la procrastination ait eu son dû ! Ensuite, je pouvais me mettre à lire l’épisode précédent, à regarder le plan d’écriture pour la quinzaine (le chapitre en cours) et m’y mettre. À partir de là, ça glisse tout seul et je tiens mon épisode dès que j’ai sa première phrase.
Pourquoi avoir choisi de mettre tes romans en téléchargement libre ? De mettre tes romans (et le reste de ton travail) sous licence libre ?
Parce que je veux te faire confiance. Le droit d’auteur à été bâti à une époque où, pour distribuer la culture, il fallait vendre des objets culturels (des livres papier… puis des disques, cassettes et dvd…). Le commerce induit la peur du vol, donc la méfiance envers les consommateurs et consommatrices. Mais pour une personne qui crée, cette méfiance marche pas ! Moi je suis heureux que tu lises, partages, diffuses et adaptes mes œuvres !
Alors j’ai compris qu’il fallait me détendre de ces peurs, me détendre du droit d’auteur, et ouvrir la porte à la sérendipité, à ce qui pourrait arriver sans même qu’on ne l’imagine. Je crois qu’un petit auteur pas connu comme moi (qui sont 95 % des auteurs en France) gagne beaucoup plus, même économiquement parlant, à ouvrir ses droits plutôt qu’à mettre des barrières et péages entre son audience et ce qu’il crée.
Peux-tu nous parler d’un auteur que tu admires ?
Sir Terry Pratchett, dont je pleure encore la disparition. Il a sauvé ma vie et m’a fait comprendre combien tout n’est qu’histoires dans nos têtes, grâce à son Disque-Monde. Chuck Palahniuk, aussi, connu pour avoir écrit Fight Club, qui déjoue les règles de l’écriture pour mieux t’en montrer les ficelles et te rappeler que tu crées l’histoire, les personnages et le drama en toi.
Et puis chez les Libristes, il y a Cory Doctorow, Neil Jomunsi, Ploum ou encore Thierry Crouzet qui font de bien belles choses…
Quels sont tes projets pour la rentrée prochaine ?
Sortir #Apolog (fin août) (1), participer au Ray’s Day (une fête de la lecture sur les internets le 22 août) avec une nouvelle de zombie-apocalypse un peu bizarre (2), lancer la saison 2 de #CulPouhiou, et me remettre à l’écriture du Guide du Connard Professionnel…
Oh, et j’aimerais bien commencer l’écriture du livre IV des NoéNautes, si j’en ai le temps ;)
(1) le roman est sorti depuis la réalisation de l’interview ! Cliquez ici pour le découvrir.
(2) cette nouvelle est maintenant disponible par là !
Nous nous arrêterons ici avec Pouhiou, j’espère que cette interview vous aura intéressé ! N’hésitez surtout pas à découvrir le travail de Pouhiou sur son site internet. Vous pouvez également suivre son émission #CulPouhiou ! Cet auteur a fait le choix de partager des contenus libres de droit, c’est bien de le noter.
Passez une bonne journée, on se retrouve… je ne vais rien promettre sur le blog, cela vaut mieux, mais le coeur y est. Si vous aimez mon travail, vous pouvez toujours me retrouver sur Youtube où je poste des contenus de façon relativement régulière.
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2 comments
Je me permet une réflexion sur la couverture et le style d’écriture car c’est très important s’il veut vendre son histoire.
La couverture me fait penser à un guide pratique qui parle de spiritualité. Pas du tout à un roman !
Le style d’écriture avec ses hashtag risque de décourager plus d’un lecteur et d’attirer de mauvais commentaires… ce n’est pas le but que recherche un auteur. Si ?
en plus, s’il faut un dico à coté de soi pour savoir de quoi ça parle, alors, laisse tomber !
Voilà, c’est ce que je pense.
Je pense que tout était assez volontaire, mais il verra tes retours don’t worry ^^