Bonjour à tous et à toutes !
Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous retrouver sur un article-interview. Je sais que vous aimez bien lire ce type d’articles, pour ma part j’adore travailler dessus alors voilà ! Il se trouve que j’ai eu la chance d’entrer en contact avec l’équipe de la poule qui pond, une petite maison d’édition proposant des albums pour enfants. Je suivais cette maison sur Facebook depuis un moment lorsqu’une vidéo de Do cats eat beats ? m’a poussée à me réintéresser à la poule qui pond. La particularité de cette maison d’éditions, et ce pourquoi j’ai décidé de vous en parler et de les contacter, c’est qu’elle fonctionne grâce à un financement participatif (via Ulule notamment pour ceux qui connaissent). Par ailleurs, elle propose des livres vraiment très intéressants, bien que leur catalogue soit encore assez restreint. J’aime beaucoup le concept, l’ambiance et l’identité donnée à la poule qui pond.
Valentin, créateur de la maison d’édition et auteur, a bien accepté de m’accorder une interview. J’espère que vous trouverez tout cela intéressant, en tout cas moi, j’ai appris des trucs ! J’aurais aimé pouvoir vous parler des livres, mais voilà… cet article est déjà très long alors je préfère ne pas alourdir tout ça. Je ferais un article spécifique sur leurs ouvrages, car j’ai eu la chance de les lire.
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Pour commencer, bonjour. Je suis Valentin, auteur du petit monstre du noir et créateur des éditions la poule qui pond. Après des études en informatique à l’ISIMA, et quelques années passées face aux ordinateurs, j’ai eu envie de tout changer. Au revoir les ordinateurs et bonjour les livres !
Qu’est-ce qui vous a donné le déclic pour travailler dans le monde de l’édition ?
C’est une idée que j’avais depuis longtemps. Mes parents m’ont transmis le goût des livres et des illustrations. C’est un licenciement économique qui m’a donné le déclic. C’était maintenant ou jamais. Avoir ma propre maison d’édition est un projet que j’ai depuis longtemps et j’ai vu là une occasion de le concrétiser.
Comment sont nées les éditions la poule qui pond ?
La poule qui pond est née à la suite d’un financement participatif autour de l’album Le petit monstre du noir dont je suis l’auteur. Ce projet d’album est un projet que j’avais depuis très longtemps. Cette histoire, je l’ai écrite pour mon neveu qui avait peur du noir, ensuite Blandine Rivière est venue créer son petit monstre du noir tout en émotion et délicatesse. Nous avons lancé le financement participatif qui a marché au-delà de nos espérances et j’ai donc décidé de vraiment sauter le pas et de créer la poule qui pond.
Avec un nom aussi farfelu, vous ne devez pas être étonné que je vous demande comment il a été choisi ?
Une poule, ça pond des œufs comme une maison d’édition pond des livres. Je voulais un nom atypique qui retienne l’attention et qui interpelle, ça marche plutôt bien. Et puis j’ai un faible pour les poules.
Quel rôle occupez-vous au sein de cette maison d’édition ?
Je suis le gérant de la poule qui pond. J’ai plusieurs associés et une salariée. Je fais un peu de tout : l’administratif qui prend beaucoup de temps sur une jeune entreprise
- la recherche d’illustrateurs, d’auteurs, de nouveaux projets
- la réalisation des maquettes
- la relation avec l’imprimeur
- la relation avec les auteurs
- etc
Nos journées sont bien remplies mais c’est un vrai plaisir.
Combien de personnes travaillent actuellement sur ce projet ?
Nous sommes deux à travailler à plein temps à la maison d’édition. Moi, plus Chloé qui est salariée responsable de la diffusion et communication.
Quelles difficultés rencontrez-vous dans ce monde de l’édition où on sait tous qu’il est très compliqué de se faire une place ?
Vaste sujet, nous avons fait le choix du financement participatif pour nous permettre de payer une partie de l’impression des albums. La question de trouver sa place dans le monde de l’édition, cela se fera petit à petit au fil des albums que nous éditerons. Nous travaillons sur des projets dont nous pensons qu’ils ont un vrai potentiel de réussite, avec des auteurs et des illustrateurs avec lesquels nous avons un vrai travail commun, des échanges réguliers. Notre difficulté principale est la diffusion et la distribution (nous nous auto-diffusons et auto-distribuons pour l’instant), mais nous arrivons à nous faire connaître petit à petit et nous essayions de créer de véritables relations avec les libraires avec lesquels nous travaillons. L’arrivée de Petit ogre veut un chien dont l’auteur et l’illustratrice sont connues devraient nous faire connaître un peu plus dans le milieu de l’album jeunesse.
Pouvez-vous expliciter pour nous votre ligne éditoriale ?
Notre ligne éditoriale est la suivante : « À travers deux collections, nous souhaitons explorer avec inventivité et créativité les peurs et l’imaginaire des enfants – envahis par des créatures et des animaux curieux et étonnants – ainsi que retracer les mythes et contes de notre région natale, l’Auvergne. »
Nous souhaitons éditer des albums jeunesse qui parlent aux enfants, qui mettent des images sur leurs monstres, leurs peurs mais aussi qui les fassent rêver et surtout rire. Nous voulons que lorsqu’un enfant prenne un de nos albums qu’il soit tout de suite immergé dans un nouveau monde où les monstres ne font pas si peur que ça et où ils peuvent devenir des alliés insoupçonnés (je pense au Petit monstre du noir ou à Sous mon lit il y a un voleur de chaussettes). L’imaginaire d’un enfant est tout d’abord créatif, nous essayons d’avoir des projets poétiques, étonnants et qui sortent de l’ordinaire. Nous voulons que lorsque quelqu’un ouvre un des albums de la poule qui pond, il ne le referme pas avant d’avoir tout regardé et lu !
Vous avez actuellement deux collections, une sur les peurs et l’imaginaire des enfants et l’autre sur les mythes et contes d’Auvergne, pourquoi avoir fait ce choix en particulier ? Avez-vous d’autres collections en projet ?
C’est un plaisir de travailler autour de l’album jeunesse, les projets sont nombreux et la découverte de nouveaux talents est vraiment une des facettes du métier les plus enrichissantes. La collection autour des peurs et de l’imaginaire est inépuisable, elle permet d’avoir une très grande ouverture tant en terme de texte que d’illustrations. Nous n’en serons jamais à bout, cette collection Plein de Bestioles sera certainement la plus riche en terme de catalogue. Concernant les mythes et les contes d’Auvergne, nous avons tout d’abord l’attachement à nos terres auvergnates et malgré la méconnaissance, il y a de nombreuses légendes, mythes et contes en Auvergne. Nous souhaitons les mettre en valeur et pourquoi pas qu’ils deviennent aussi connus que les légendes bretonnes !
Nous avons une autre collection dans laquelle s’inscrit notamment Petit ogre veut un chien, une collection d’albums adaptés à la lecture des enfants en apprentissage. Nous souhaitons éditer plusieurs albums avec une mise en page et une police adaptées ainsi qu’avec le procédé de syllabation déjà utilisé sur Petit ogre veut un chien pour que n’importe quel enfant en apprentissage de la lecture puisse prendre notre album, l’ouvrir et se dire qu’il peut le découvrir, le lire et l’apprécier sans avoir l’impression que cela soit compliqué. Nous travaillons avec des associations, des professionnels du langage pour adapter au mieux ces albums, l’illustration vient soutenir le texte pour une meilleure compréhension. Le prochain album de cette collection sera écrit par le poète David Dumortier. Dans le futur, nous explorons la possibilité d’éditer un album pour les enfants aveugles.
Recevez-vous beaucoup de projets d’auteurs et/ou d’illustrateurs ?
Nous avons fait un appel à projet dès le lancement de la maison d’édition. Nous avons reçu près de 300 projets. Nous en avons sélectionné 2 (Sous mon lit il y a…un voleur de chaussettes et Expressions Animales). Nous recevons toutes les semaines de nouveaux projets que nous examinons.
Qu’est-ce qui a fait la différence pour « Le voleur de chaussettes » et « Petit orge veut un chien » ?
Pour Sous mon lit il y a…un voleur de chaussettes, le travail d’Alexandre Gimbel nous a tout de suite conquis. Nous avons discuté avec lui, le courant est bien passé, ses projets nous plaisaient, la ligne de la maison d’édition le tentait bien et le financement participatif aussi.
C’est une histoire de feeling qui passe entre les auteurs et la maison d’édition, l’esprit et les projets que l’on a et pourra avoir ensemble. Mais aussi sur l’idée de passer par un financement participatif, c’est un pari que l’auteur et la maison d’édition prennent ensemble, et certains auteurs ne souhaitent pas s’impliquer autant (ce qui est tout à fait compréhensible).
Pour Petit ogre veut un chien, l’histoire est encore différente. Nous avons souhaité travailler sur un d’album qui serait adapté pour les enfants en apprentissage de la lecture. Nous avons contacté pour cette collection des personnes dont le travail nous intéressait tant au niveau de leurs précédents albums et de leur personnalité et leur implication. C’est donc nous qui sommes allés chercher ces auteurs et illustrateurs en leur proposant un projet d’album et toujours un financement participatif.
Comment se déroule l’édition d’un livre chez la poule qui pond ?
Il y a tout d’abord le choix du projet. L’auteur/illustrateur nous propose son projet, ensuite nous en discutons ensemble et concluons sur un projet bien défini. Ensuite nous élaborons le financement participatif sur la plateforme Ulule, les différentes contreparties toujours en collaboration avec l’auteur. Car le financement participatif est une histoire de soutiens et de réseaux, sans l’implication de l’auteur, un projet ne séduira pas, donc chacun doit être totalement investi dans la promotion de son projet. Une fois le financement terminé ou alors en cours de financement selon les cas, l’auteur/illustrateur commence à travailler sur l’album. Nous aimons bien voir l’avancement du projet, nous sommes très présents sur les réseaux Facebook et Twitter et la communication autour d’un projet et des inédits ou des exclus est toujours un plus pour nos contributeurs passés et futurs.
Vient ensuite le travail sur la maquette, nous sommes deux. Il y a donc une succession de version que chacun améliore pour au final avoir un rendu qui nous corresponde et qui convient ainsi qu’à l’auteur et l’illustrateur. Nous montrons nos maquettes à plusieurs personnes de notre entourage (libraires, lecteurs, associés, contributeurs) pour avoir un avis global et améliorer certaines choses. Nous sommes toujours à la recherche d’avis, de conseils et prenons en compte toutes les remarques. Comme nous l’avons dit précédemment, c’est un travail d’équipe, d’écoute et d’attention.
Puis les relectures, nombreuses, très nombreuses. La chasse aux fautes d’orthographe est une mission très très importante avant l’envoi à l’imprimeur. Et enfin le travail avec l’imprimeur notamment sur l’impression des couleurs, le rendu dans l’album est essentiel pour chacun soit satisfait.
Ce qui interpelle immédiatement, c’est le financement par crowdfunding (ou du moins en partie). Pourquoi avoir choisi ce mode de fonctionnement ?
Le financement participatif nous permet de contourner le système classique de prêts bancaires (qui sont comme chacun le sait difficile à obtenir). Nous réalisons donc des préventes en financement participatif. Cela permet de nous faire connaître, de créer un véritable réseau, de mélanger tous les réseaux (celui de la maison d’édition, des auteurs, des illustrateurs, des personnes qui nous suivent sur les réseaux sociaux). De plus, le crowdfunding permet aux contributeurs non seulement d’avoir l’album mais aussi plein de goodies (cartes postales, marques-pages, ex-libris, affiches…etc) et cela nous permet d’apporter de la valeur ajoutée à une simple prévente.
Et un jour, nous pourrons peut-être organiser une grande fête avec tous nos contributeurs de tous nos projets pour créer un moment de rassemblement !
Depuis combien de temps testez-vous ce mode de financement ? En êtes-vous satisfait ?
Dès le début nous avons choisi le financement participatif. C’est pour nous une réelle évidence pour le moment et nous sommes clairement satisfaits de la plateforme Ulule et des résultats. Nous améliorons nos projets de financement au fil des albums et pensons qu’il y a encore du potentiel. Le jour où nous arriverons au bout de ce potentiel, nous verrons et trouverons un nouveau moyen innovant à explorer pour le financement des albums. Mais pour l’instant, le crowdfunding nous plaît bien.
Comment se passent la promotion et la distribution des livres ?
La promotion de nos albums commence dès le début des projets sur la plateforme Ulule. Nous faisons sans discontinuer de la communication/promotion sur nos réseaux sociaux. Nous avons également beaucoup de goodies (cartes postales, affiches, autocollants) pour se faire connaitre notamment dans notre ville. Nous participons à de nombreux évènements, et faisons des animations pour les enfants (lecture, création de petits montres, ateliers créer un livre…) dans les librairies et autres lieux (cinéma, salon de thé), nous encourageons nos auteurs/illustrateurs à faire de même (Alexandre Gimbel sera en dédicaces dans de nombreuses librairies en Alsace, Fanny Fage a une exposition en cours, Fabienne Cinquin participe à des salons et Agnès de Lestrade a plusieurs interventions). Notre métier d’éditeur passe aussi par le partage de notre expérience auprès de notre public et la rencontre avec lui.
Pour parler de diffusion/distribution, nous essayons de créer un lien avec tout d’abord les librairies auvergnates, nous souhaitons nous implanter durablement en Auvergne et cela passe par un ancrage local (Clermont-Ferrand et la grande périphérie), ainsi que dans les départements de la région et également Saint Etienne, Lyon, Mâcon et jusqu’au département du Centre. Pour toute cette zone, nous nous déplaçons au maximum nous même dans les librairies qui pourraient être intéressées par nos albums jeunesse. Nous sommes également sur le réseau Fnac, Amazon, dans les Cultura et les centres culturels E.Leclerc et nous avons notre boutique en ligne. Mais nous privilégions les librairies indépendantes dans notre communication.
Pouvez-vous nous parler du dernier projet Expressions animales ?
Expressions Animales est le projet de Fanny Fage, une jeune illustratrice très talentueuse. Nous avons tout de suite eu un coup de cœur pour son travail. Avec elle, nous avons réfléchi aux différents projets que nous pourrions faire ensemble et c’est celui sur les expressions autour des animaux qui nous a le plus séduit. Ce sera donc un album d’illustrations de 15 expressions de la langue française dans lequel les illustrations auront la plus grande place. En format A4, chaque illustration sera accompagnée d’un petit texte expliquant sa signification, son origine et d’autres expressions autour du même animal. Pour ce projet nous avons lancé un forum exclusivement réservé aux contributeurs UIule d’Expressions Animales pour qu’ils puissent découvrir en exclusivité les croquis de Fanny Fage, lui poser des questions et pouvoir échanger sur le projet et l’album.
Voilà c’est tout pour aujourd’hui ! J’espère que cette interview vous a intéressée. Je reviens prochainement avec un article dédiée aux albums de la poule qui pond, ou peut-être un article spéciale « albums pour enfants » je vais voir ça… Je vous invite en tout cas à retrouver la poule qui pond sur son site internet, sur Ulule, Facebook et Twitter !
Et vous ?
Connaissiez-vous cette maison d’édition ? Avez-vous déjà lu un de ses albums ? Offert à quelqu’un ? Que pensez-vous de ce fonctionnement participatif ? Est-ce quelque chose auquel vous avez déjà réfléchi en tant qu’auteur ou éditeur ? Je vous invite à partager vos avis dans les commentaires !
4 comments
Superbe interview !!!
C’est très complet et on perçoit bien ce qu’est le travail d’éditeur et le processus de création d’un livre.
C’est bien aussi de savoir ce qu’il se passe en coulisses.
Merci c’est un plaisir de partager l’expérience des éditeurs ^^
Merci pour le partage, ça a permis de mieux se faire une idée de l’activité de la boite d’édition. En parlant d’édition, je souhaiterais revenir sur la question du crowdfunding, que pensent les maisons d’édition de ce nouveau concept? Je reviens également sur la question à travers un article que vous pourrez retrouver sur http://www.monbestseller.com/actualites-litt%C3%A9raire/2805-ebook-edition-papier-le-crowdfunding-pour-les-auteurs#.VDdWtBZ5XIV
De rien, je trouve leur fonctionnement vraiment intéressant ^^