Bonjour à tous et à toutes !
Cela fait un moment que j’ai envie de proposer un article sur le dialogue. Mais je ne savais pas comment faire et je ne trouvais pas le temps de me documenter. Alors quand mon ami Litsiu m’a proposé d’écrire cet article à ma place, je n’ai pas hésité longtemps ! Rappelez-vous, il avait déjà écrit un article sur la documentation. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de publier son article « écrire un bon dialogue » . Par ailleurs, je vous renvoie à ses écrits et son compte DeviantART.
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On s’imagine quand on débute qu’écrire des dialogues, c’est facile. Après tout, des dialogues, on en fabrique tous les jours en mode impro totale, alors sur le papier, on devrait trop masteriser et cracher des paillettes ! Et bien non. Écrire des banalités comme à la machine à café, c’est simple, mais un vrai bon dialogue exige de la réflexion.
J’ai donc mis la réflexion de mes deux neurones au service de ce petit condensé des basiques en matière de dialogue.
Pourquoi insérer un dialogue ?
Parce que c’est inévitable : à moins d’écrire une histoire mettant en scène uniquement un muet, un sourd, Paty la perruche aphone et une boîte de soda, il y aura des gens qui vont se parler. Parce que les gens font ça, naturellement. C’est la fermer qui leur est difficile.
Intérêts annexes du dialogue :
- Donner des informations au lecteur.
- Casser les gros pavés descriptifs, qui, admettons-le, sont parfois indigestes, et mettre de la vie dans tout ça !
- Retranscrire de façon dynamique la personnalité des personnages.
- Balancer des vannes !
Qu’est-ce que je mets dans mon dialogue ?
Si vous voulez éviter de débiter des platitudes qui endorment, il va falloir réfléchir intensément. Un dialogue, ce n’est pas facile à écrire. C’est ce que je travaille le plus dans un texte.
Pour vous guider, vous pouvez prendre en considération ces quelques notions :
1. La subjectivité
Ce n’est plus l’auteur qui parle, c’est le personnage. Alors on enfile sa casquette de personnage et on voit par ses yeux. Que sait-il ? Comment s’exprime-t-il ? Que sait son interlocuteur ? Dit-il la vérité ? Le dialogue est la meilleure façon de mener votre lecteur en bateau avec de bons gros mensonges, et ce sont vos personnages qui vont les proférer. Vous êtes l’auteur, par définition vous êtes innocent ! Profitez-en !
Quelques points importants à ce sujet :
- Vos personnages ne doivent pas radoter sur une information qu’ils ont en commun de façon évidente, juste parce que vous avez pensé que ce serait plus simple de faire passer le message de cette façon. Ce n’est vraiment pas naturel. Un dialogue suggère plus qu’il ne dit.
- La personnalité de votre personnage doit transparaître dans sa façon de parler.
- Le niveau de langue et le vocabulaire utilisé dépendent de l’âge de votre personnage, de son milieu social, et de l’époque à laquelle se passe votre récit. Pensez donc à faire la recherche documentaire appropriée.
- N’abusez des tics de langage. J’ai sauté des lignes et des lignes de dialogues dans le Trône de fer parce que les contractions m’horripilent. M’dites pas qu’vous trouvez qu’c’est vivant, c’juste chiant. Pourquoi pas du langage SMS, pendant qu’on y est ? Comment ça, on n’a pas de couverture réseau dans un univers fantastico-médiéval ?
2. La concision
Écrivez un dialogue uniquement si ce que vous avez à dire passe mieux de cette façon que dans la narration. Comment choisir ? Essayez donc les deux versions, si vous avez un doute.
Exemple pourri numéro 1, vous pouvez écrire :
« Est-ce que vous voulez un café, Monsieur ?
― Oui s’il vous plaît. Merci bien. »
ou :
Il accepta le café offert.
Quelle solution vous paraît la moins lourde ? C’est facile, y’a qu’à compter les mots.
Si le dialogue redonne des informations que la narration a déjà apporté : coupez.
Si vos personnages bavardent inutilement : coupez.
S’ils radotent : coupez.
Si ça tourne en rond : coupez.
Si ça sert à rien mais que c’est drôle : gardez.
Si ça sert à rien mais qu’un éclairage nouveau est apporté sur la personnalité de votre personnage : c’est négociable.
Ma règle d’or personnelle dans le dialogue est la même que dans la narration : en dire le maximum en un minimum de mot. D’autres auteurs ont une approche différente ? Tant mieux. Le tout est de rester cohérent avec soi-même.
3. La mise en scène
On ne fait pas de théâtre, alors il va falloir structurer le dialogue. Bannissez les échanges de 30 répliques sans interruption.
La première question à se poser, c’est : de quelle façon se comportent mes personnages, quel est leur état d’esprit au moment où ils s’expriment, et quelle va être la gestuelle associée ? Untel est une personne posée alors que Truc monte vite dans les tours ? Montrez-le, ne le dites pas ! Dans la vraie vie, une bonne part du message passe par de la communication non-verbale. Les gens n’expriment pas aisément leurs sentiments. Le dialogue ne peut donc pas tout faire.
Exemple pourri numéro 2, Truc ne dit pas :
― Oh putain comme je suis énervé !
Non, il élève la voix, gesticule, s’empourpre… ou fait preuve de colère froide, devient sarcastique, voire méchant. Si vous avez réfléchi à ses réactions et à son comportement en faisant une fiche personnage, cela va évidemment vous faciliter la tâche.
Si votre dialogue se prolonge, faites monter la tension progressivement ! Dans une vraie vie, les gens ont tendance à s’échauffer au fil de la conversation (et en fonction de leur degré d’ébriété), ils ne commencent pas par hurler pour se calmer ensuite.
Vous pouvez planter le décor avec la narration. Un outil communément utilisé est l’incise :
― Mais à quoi ça sert ? demanda le lecteur.
Réponse : à donner un peu de contexte et clarifier le dialogue. Mais attention, tout est une question de dosage.
Faites un test : enlevez toutes les incises, et relisez votre dialogue à froid. Est-il encore compréhensible ?
S’il ne l’est pas, commencez par vous pencher sur le contenu (voir le point sur la subjectivité).
Ensuite, remettez uniquement les incises indispensables, voire une ou deux en plus, parce que votre lecteur est flemmard, il n’a pas envie de recompter les répliques pour savoir où on en est, ni de revenir en arrière s’il est perdu, alors on lui mâche le travail. De plus, il n’est pas dans votre tête, ce qui vous paraît évident peut lui échapper.
Dans un dialogue long entre deux personnages, j’aime bien mettre une incise toutes les quatre répliques, en moyenne. On ne perd pas le fil, mais ça n’alourdit pas trop non plus. Quand on se retrouve en conférence avec douze personnages, il va falloir faire très attention à ne pas perdre le lecteur. Je préfère entrecouper le dialogue avec un peu de narration, pour introduire les personnages au fur et à mesure.
Inutile de surjouer les « s’exclama bidule » et « susurra chose » ! Occasionnellement, cela permet d’éviter les répétitions du verbe dire, mais quand il y en a trop, ça saute au yeux, au détriment du contenu du dialogue.
Vous voulez savoir si votre dialogue passe bien, paraît vivant ? Lisez-le à haute voix.
Conclusion :
L’écriture de dialogue vous paraît compliquée, s’il faut faire attention à tout ça ? Que nenni. Ecrivez d’abord au feeling, puis relisez, épurez et relisez encore. Ca finira par venir. La bonne nouvelle c’est que le sens de la répartie, par écrit, ça peut se travailler. Vous ne risquez pas d’insomnie pour cause de regrets cuisants du style « mais pourquoi j’ai pas pensé à lui dire ça, à ce blaireau ? ».
En résumé : ne vous faites pas avoir par l’idée que l’écriture de votre dialogue doit être aussi spontanée qu’une conversation réelle. Il doit juste paraître spontané.
En complément :
Je vous ai trouvé cet article en anglais (et je le trouvais tellement bien fait que j’ai failli me contenter de le traduire). Il y a également cet article sur la typographie en français ! Il est complet et très bien fait, donc j’allais pas le refaire à l’identique, parce que la redondance de l’information sur le web participe au réchauffement climatique.
Et vous ?
Que pensez-vous de tout ça ? Comment faites-vous pour écrire vos dialogues ? Y accordez-vous une grande importance ou est-ce secondaire pour vous ? Arrivez-vous facilement à les écrire ou est-ce le parcours du combattant ? N’hésitez pas à nous faire part de votre expérience dans les commentaires !
16 comments
J’écris des pièces de théâtre et mon truc c’est la voix intérieure. Ça n’aidera pas ceux qui écrivent sans cette voix, mais ça évite des bien des écueils, des stéréotypes tels que tous les enfants sont espiègles, tous les soldats ont une voix grave, tous les chefs sont éloquents ! Quand je conçoit un bon personnage, il parle de lui même. Ensuite, vient le travail de tri et tes conseils sont bons mais on peut concevoir un personnage qui radote comme ma concierge par exemple, ça peut être utile pour donner une information parcellaire, car subjective. Dans les romans, la questions de l’incise est un dilemme entre précision et facilité de lecture. Elisabeth George m’a fait réfléchir par le biais de son manuel d’écriture. Elle dit qu’il ne faut pas avoir peur de répéter « dit… », qu’en fait ce verbe devient une sorte de ponctuation qu’on finit par ne plus lire et je trouve que c’est vrai. Et toi ? Enfin, il y a quelque chose d’important autour du dialogue c’est l’ambiance sonore. Dans une pièce de théâtre, il y a les didascalies ou la liberté laisser au metteur en scène. Dans les romans seuls les bon romanciers y pensent, pourtant l’ambiance change la perception des messages verbaux et c’est une source de diversité et de réalisme dans les dialogues.
Merci beaucoup pour cet article ! J’ai un vrai problème avec les dialogues et il m’aide beaucoup :) je sens que je vais me plaire sur ton site ^^
(par contre si je peux me permettre, dans Le Trône de Fer les contractions comme « m’sire » m’ont paru naturelles du fait qu’à l’époque médiévale peu de gens avaient un parler « propre » si j’ose dire :3)
Contente que le site te plaise !
j’ai trouvé un petite perle sur le net : http://www.ecrire-un-roman.com/articles/comment-utiliser-les-stereotypes-homme-femme/comment-page-1/#comment-33714
N’est-ce pas à vomir?
Coucou,
Rien de nouveau pour moi, mais ça a le mérite de mettre certains points au clair. ^^
À plus !
Oui parfois rappeler les bases, ça fait du bien ^^
C’est un très bon article qui je pense pourrait en aider plus d’un. J’aurais aimé recevoir ce genre de conseils lorsque j’étais moins expérimenté. Du reste, aujourd’hui encore je pense que les dialogues ne sont pas mon gros point fort.
ah je l’avais pas vu celui-là ! Heureusement qu’il y a la newsletter ! :)
article très intéressant, c’est vrai que les dialogues sont essentiels dans une histoire. ça lui donne tout de suite plus de vie !
de quoi donner à réfléchir pour de prochaines conversations.
Merci beaucoup
elle est donc utile la newsletter :D
Merci, heureuse que l’article plaise ^^
Article intéressant c’est clair! j’ai aussi beaucoup de mal avec les dialogues. En fait ils sont toujours trois fois trop longs mais je ne m’en rends jamais compte au moment de les écrire. Je mets aussi trop d’incises. C’est fou alors qu’on a naturellement tendance à penser que c’est simple…
Merci de l’article, je le relirai !
C’est sûr qu’on a tendance à faire des tartines inutiles
– ça va ?
– ouais et toi ?
– bien, tu as fait quoi hier ?
– oh bah j’ai regardé la télé…
PASSIONNANT xD
Mais non c’est pas simple le dialogue :P
Très bon article, les dialogues sont justement ma petite bête noire, je ne trouve jamais ça naturel ! J’ai lu des très bons conseils, et des petits trucs que j’aurais jamais pensé à utiliser, donc merci Litsiu, et merci Cordelia :)
Merci pour lui ^^ Moi je n’ai pas fait grand chose :D
Article très intéressant, merci ;)
Le dialogue est, comme tu dis, nécessaire, voire indispensable, mais quelle galère à écrire parfois!
Je n’ai pas trop de mal à différencier la façon de parler des personnages, en général, parce qu’ils sont assez vivants dans ma tête pour que je sois imprégner de leur façon de parler. Par contre, trouver comment agencer ça pour que ça soit vivant et pas lourdingue, c’est plus compliqué. Les verbes d’incise ne sont pas forcément évidents à caser sans devenir répétitif…
Le dialogue est un élément très important pour moi : j’y accorde une grande attention, et… J’adore les écrire ! ^^ Ce que j’aime faire, c’est entrecouper mes dialogues de phrases de mise en scène, comme tu le dis. Parce qu’en général, on ne discute pas en restant totalement immobiles, en se regardant dans le blanc des yeux… Toute la tension de la conversation va aussi passer par les gestes des personnages, leurs réactions à ce qui est dit. Merci pour cet article !
Merci pour cet article ! Une chose dont tu as parlé et que je trouve intéressante dans les dialogues, c’est qu’on sente la personnalité de chaque personnage qui prend la parole. Il parait que si on le fait bien, il n’y aurait même plus besoin du tout d’incises (mouais, plus facile à dire qu’à faire c’est sûr). Sinon dans mes dialogues j’essaie toujours de mettre mes personnages en mouvement, comme tu l’as précisé la communication non-verbale est importante. Elle apporte de la crédibilité au dialogue je trouve.