« Avec assez d’imagination et du talent, on peut écrire sur n’importe quoi. » — Anonyme
Je ne suis pas d’accord avec cette idée, absolument pas d’accord. J’ai déjà expliqué en long et en large pourquoi il ne fallait pas écrire sur n’importe quoi dans mon article Sur quoi écrire. L’imagination, oui. Avec de l’imagination, on peut essayer d’écrire sur tous les sujets. MAIS, si on ne veut pas écrire n’importe quoi et une grosse bouse intersidérale, il faut se renseigner un minimum. Se renseigner beaucoup même. Après, si vous écrivez sur une gamine de votre âge qui va à l’école et qui tombe amoureuse du capitaine de l’équipe de foot du lycée… effectivement, vous pouvez écrire les yeux fermés. Je ne dis pas que ça ne peut pas être intéressant, je dis juste que c’est pas ma came.
Je ne vais pas revenir là-dessus, il vous suffit d’aller lire mon vieil article pour connaître mon point de vue. Si vous avez des objectifs, n’hésitez pas. Ce qui me titille dans cette citation, c’est l’évocation du « talent littéraire » et ce sera le propos de mon article.
Le talent, qu’est-ce que c’est ? Wikitionnaire donne pour définition : « Capacité, habileté, aptitude naturelle ou acquise, supériorité dans un art, un métier, etc.« . Le talent en littérature serait donc une « capacité, habilité, aptitude naturelle ou acquise, supériorité en écriture. Déjà, on peut éliminer d’office l’aptitude naturelle. L’écriture, c’est comme le violon, ça s’apprend. Même Mozart a reçu des cours de son père avant de composer ses premiers morceaux. Donc le talent inné, je n’y crois pas trop, même si je pense qu’effectivement, on peut avoir des facilités dans certains domaines, en particulier en écriture. On peut être très bon en orthographe, en syntaxe, en grammaire par exemple. ça aide beaucoup. On peut être un bon « profiler » et arriver à cerner les personnalités rapidement. On peut avoir une imagination débordante. Mais ça n’est pas pour ça qu’on va pondre un best-seller.
Déjà, il faut se mettre dans le crâne que vous ne vivrez jamais de vos romans. Bon y a une petite chance bien sûr, mais mieux vaut vous dire que ça ne sera jamais un métier plutôt que d’espérer pour rien. Parce qu’en réalité, le succès n’a rien à voir avec le talent. C’est de la chance, du hasard, du travail et, éventuellement, un minimum de savoir-faire. Quand on regarde l’histoire des artistes – et de auteurs – en France, on se rend compte que très peu des grands maîtres ont bien vécu. Rimbaud, Van Gogh… Ils ont vécu dans la misère. Pourtant aujourd’hui, on clame haut et fort qu’ils avaient un talent monstrueux et inégalable.
Le talent, ce n’est pas grand chose. Et quand bien même vous en avez, cela ne vous empêchera pas d’écrire – parfois – du caca si vous ne travaillez pas, si vous ne vous documentez pas et si vous faites les choses par dessus la jambe. Même si vous êtes le nouveau Tolstoï, si vous décidez d’inventer une saga en 10 volumes sur l’histoire d’une famille juive pendant la seconde guerre mondiale et que vous ne prenez pas la peine 1/ d’ouvrir un livre d’histoire 2/ de lire ce qui a déjà était fait 3/ de travailler votre texte, eh bien ça n’aura pas beaucoup de valeur et vous ne serez jamais reconnu.
C’est important ça : la reconnaissance. A mes yeux, c’est peut-être ce qui compte le plus. Être reconnu par ses pairs, c’est ce qui fait l’artiste pour moi, et donc l’écrivain. Si mon grand-père me dit que mon roman est le meilleur du siècle, ça me fera plaisir, mais cela n’aura qu’assez peu de valeur pour moi en tant qu’écrivain. Par contre si JK Rowling disait qu’elle avait adoré mon livre, là ce serait la panacée. Si mon livre se vend à des milliers d’exemplaires, que j’en viens à gagner ma vie grâce à eux et que les critiques professionnels me descendent, je risque d’assez mal le prendre (mais il est vrai que le fric soigne les blessures d’amour propre avec une efficacité remarquable).
Ce que je veux dire, c’est que non seulement le talent ne fait pas tout, mais être trop sûr d’en avoir peut vous causer des problèmes. J’ai connu une fille sur internet qui était tellement persuadée d’être la nouvelle Zola qu’elle prétendait que ses écrits étaient trop « philosophiques et érudits » pour être lus par « les gens normaux ». Elle écrivait très bien, avec plein de mots compliqués, mais en soit… l’histoire était sans intérêt et on s’endormait au bout de trois lignes. Tant mieux pour elle si elle était persuadée qu’elle avait trop de talent pour que le commun des mortels apprécient ses textes, mais ce n’est pas avec une attitude prétentieuse qu’on réussit dans la vie. C’est bien d’être sûr de soit, mais il ne faut jamais prendre son lecteur pour un con. Jamais. A partir du moment où on écrit pour quelqu’un d’autre que soi-même, il faut accepter la critique, même si elle fait mal. Parce que si ça fait vraiment mal… c’est qu’il y a une part de vérité non ?
Le talent, c’est bien, c’est même très cool d’en avoir. Mais il y a différents types de talents. Comme il y a différents types de lecteurs. Et le talent sans le travail ne sert à rien. On croit souvent à tort que tout le monde a appris à écrire en CP et que donc tout le monde sait écrire. Mais non, ça ne marche pas comme ça. Pour ma part, ça fait des années que je travaille, que ce soit mon écriture, mes personnages, mes intrigues, ma narration, mes descriptions, mes dialogues… Et j’ai parfaitement conscience du chemin qu’il me reste à parcourir. C’est en pratiquant qu’on apprend. Et il y a sans doute des gens talentueux qui n’arriveront jamais à écrire de bonnes histoires passionnantes et/ou à percer. Peut-être que dans cent ans, on les reconnaitra comme les écrivains du siècle. Mais ce n’est pas ça qui met du beurre dans épinards en attendant.
NON, le talent ne fait pas tout. Et l’imagination non plus. Ce sont des plus, mais cela n’est pas suffisant pour écrire une bonne histoire. Je me permets donc de rectifier ma première citation pour clore cet article.
« Avec beaucoup de travail, de la documentation et de la motivation, on peut écrire sur n’importe quoi. Mais il y a peut-être un petit quelque chose chez certaines personnes qui fait qu’une bonne histoire peut devenir excellente. »
16 comments
Je ne suis pas forcément d’accord avec toi quant à l’obligation de se renseigner sur un sujet. Je prends l’exemple de l’écrivain Serge Brussolo, dont je suis fan. Ses romans illustrent son imagination débridée, et ne se réfèrent à rien de connu. Même ses romans « historiques » fantastiques se passent dans une période floue de l’histoire, sans précision aucune, pour laisser libre cours à un passé imagé et réinventé. J’apprécie particulièrement ce type de romans où l’on se plonge dans des rêveries éveillés. Je pense que des recherches préalables brideraient l’imagination débordante de l’auteur et nuiraient à la qualité de ses écrits.
Je suis assez d’accord même si oui avoir des facilités, une pré-disposition ça peut être naturel mais il faut travailler ça oui, je pense que j’ai une facilité à trouver des mots alors que d’autres peuvent avoir plus de mal, j’ai une grande imagination mais j’ai aussi évolué en pratiquant l’écriture même si j’aime tous mes écrits et ça même mes anciens écrits, je ne suis pas perfectionniste! J’avais aussi des facilités pour le dessin dont je dessine depuis petite et facilité de dessiner à partir de mon imagination sans modèle, sans copier alors que d’autres ont commencé à apprendre à dessiner en copiant mais j’ai aussi beaucoup pratiqué le dessin et pas mal dessiné et pareil pour mes dessins, j’aime mes ratés, comme ceux que je trouvent réussis, j’aime mes dessins avec leurs défauts et qualités, j’aime mes écrits avec leurs défauts et qualités, on peut toujours s’améliorer mais le plus important est avant tout d’aimer ce qu’on fait, ce qu’on écrit, ce qu’on dessine, produit etc car sinon on n’avancera pas si on n’est jamais content de soi et on abandonnera surtout quand on est perfectionniste et heureusement j’ai jamais abandonné avant d’écrire et dessiner car j’aime ça et je ne suis pas perfectionniste ^^ Je ne suis pas publiée, mais quand on est publié il faut accepter les critiques oui mais comme sur le net comme vrai vie, il faut faire face à des méchants commentaires et ça peut être blessant et il faut apprendre à se protéger de ça mais surtout ne jamais se rabaisser, perdre confiance en soi et son travail car sinon on peut facilement abandonner, il ne faut pas que ces méchants commentaires nous battent! Et personnellement, je ne recherche pas la reconnaissance car j’ai toujours écrit par plaisir, par passion et pour moi avant tout, ça peut faire plaisir des compliments mais personnellement j’en ai pas un réel besoin, moi je veux publier certains de mes écrits surtout pour partager mes messages, mes valeurs, mes histoires que ça plaise ou non je m’en fiche! De même que je me fiche d’écrire un « best-seller » j’écris ce que je veux avant tout et comme tu l’as dit, peu vivent de l’écriture, je veux juste m’auto-éditer en trouver un job à côté pour publier certains de mes écrits et me dire de réussir à vivre un peu de mes écrits en complément et surtout le fait de partager certaines histoires, certaines de mes messages et valeurs etc Alors moi j’écris du thriller et du contemporain, les thrillers c’est mon côté sadique, mon exutoire, les contemporains car j’aime les comédies, l’humour mais aussi pour partager des messages et valeurs dont j’ai un écrit qui me tient à coeur sur le racisme étant une personne de couleur etc donc je n’écris pas n’importe quoi n’importe quoi et il y a des écrits que je ne veux pas publier dont j’ai écrit des nouvelles sur des amies pour des amies, une fanfiction pour une autrice sur elle etc et d’autres que je veux publier, mes amies ne savent pas encore tout de moi ^^ elles savent que j’écris car je leur ai déjà donné des nouvelles sur elles pour elles mais je vais monter d’un cran en leur donnant une nouvelle en cadeau pour leur anniv dans le genre thriller elles vont voir mon côté sadique que je ne montre pas haha et encore celle que je vais leur donner est du thriller soft je peux encore monter encore plus haut dans le côté sadique thriller hard haha
Moi j’ai un autre coup de gueule : est-il possible que quelqu’un dise qu’il a du talent sans qu’il passe automatiquement pour une personne prétentieuse ? Visiblement, on dirait bien que non…
On dit aux gens qui se dévalorisent qu’ils doivent impérativement reprendre confiance en eux pour réussir, mais le problème, c’est que dès le moment où une personne a confiance en soi, il s’agit illico d’une personne prétentieuse… Hum…
Perso il y a des profs et une maison d’édition à compte d’éditeur qui m’ont dit que j’avais du talent. Que dois-je faire, surtout ne pas le dire afin d’éviter de passer pour une prétentieuse ?
Et avoir du talent ne signifie pas automatiquement qu’on se prend pour J.K Rowling hein LOL ^^
Bien sûr que la critique constructive est utile, mais tous les compliments ne sont pas forcément à mettre à la poubelle…
Je trouve que tu pas parfaitement raison :)
Ohhh, j’aime beaucoup ta nouvelle version de la citation !
Mais ça me saoule les gens qui pensent être des génies parce qu’ils utilisent des mots complexes… CA ME SAAOOOOOOUUUUUULLLEEEEE ! Moi j’ai une imagination débordante, mais pourtant j’écris du caca, des fois. C’est pas parce que j’ai plein plein plein plein d’imagination que je suis le nouveau Jules Verne.
Voilà, ce coup de gueule est gratuit, ça me fait plaisir. x)
/!\ le lien « sur quoi écrire » est mort!!
merci je modifie !
Tout à fait d’accord, le talent est un capital qui s’acquiert et se conquiert. Chose que l’on a tendance à oublier à une période où l’on veut nous faire croire que n’importe qui peut atteindre la gloire grâce à un « talent » inné, voire par le miracle de sa seule personnalité (cf téléréalité …).
Il y a plusieurs passages chez Nietzsche tout à fait éclairants sur ce sujet (Humain, Trop Humain, IV) :
« Gardez-vous de parler de dons naturels, de talents innés ! On peut nommer des grands hommes de tout genre qui furent peu doués. Mais ils acquirent la grandeur, devinrent des « génies » (comme on dit), par des qualités dont on n’aime pas à signaler le manque lorsqu’on les sent en soi : ils eurent tous cette robuste conscience d’artisans, qui commence par apprendre à former parfaitement les parties, avant de se risquer à faire un grand ensemble … »
« Danger et avantage du culte du génie. — La foi en des esprits grands, supérieurs, féconds, est, non pas nécessairement, mais très souvent, encore unie à cette superstition entièrement ou à demi religieuse, que ces esprits seraient d’origine surhumaine et posséderaient certaines facultés merveilleuses, au moyen desquelles ils acquerraient leurs connaissances par une tout autre voie que le reste des hommes »
Bref, ce bon vieux Nietzsche aurait probablement hurlé devant cette définition du Wiktionnaire ! :)
Merci pour ces éclairages ! Je n’aurais pas pensé à aller voir dans la philo pour étayer mon propos ! Merci beaucoup <3
mon commentaire est parti trop vite…
Mais quel est donc ce petit quelque chose qui fait la différence ? Probablement quelque chose d’indéfinissable.
Pour ce qui est de la critique, je pense aussi qu’il faut savoir l’accepter et rester humble. C’est le seul moyen de s’améliorer. Cela dit, je suis incapable de dire si tel auteur (reconnu et publié) s’est amélioré au fil du temps. Est-ce que son tout dernier roman est meilleur que le premier qu’il avait écrit 20 ans plut tôt ? L’auteur qui n’écrit que des best sellers peut-il encore s’améliorer ?
Oui la critique joue un rôle important. Mais bien sûr que les auteurs s’améliorent, même déjà reconnus ! Les grands spécialistes le disent tous, il y a une différence entre le premier poème de Rimbaud et le dernier. On peut toujours s’améliorer et n’importe qui peut le reconnaître. Parce que la grosse vente n’est pas synonyme de qualité. J’adore Bernard Werber par exemple, mais je trouve qu’il y a des livres moins bien que d’autres. Et qu’Irving se laisse aller depuis quelques années. Parfois je trouve que les premiers romans sont meilleurs que les derniers, ça dépend des gens. Il faut penser aussi que quadn on entre dans le système de l’édition et qu’on est très populaire, parfois il FAUT sortir un livre tous les ans, ou tous les deux ans. L’ecriture et l’inspiration sont capricieux. Peut-être que ces auteurs ne sont pas tous satisfaits de tous leurs livres, mais ne le disent pas ;)
Bonne idée de conclure sur la reformulation de la phrase de départ. Mais… quel est donc ce petit quelque chose qui f ? Probablement quelque chose d’indéfinissable.
C’est bien pour ça que je dis « petit quelque chose », c’est parce qu’on a pas encore trouvé ce que c’est ^^ merci ^^
Tu as raison, l’imagination ne suffit pas, mais pour le travail il faut avoir le temps…pas simple tout ça. Heureusement il y a internet et sa fenêtre ouverte sur le monde, même si en ce moment on aurait plutôt tendance à la laisser fermée, entre un temps à ne pas mettre un manifestant dehors, et les dehors d’un autre temps manifeste de ceux qui défilent dans la rue et qu’on aimerait bien envoyer se faire mettre (désolée, mais quand on est énervée ça soulage). Tout ça pour dire quoi ? Que si on ne recherche pas la gloire mais juste quelques oreilles virtuelles, prêtes à entendre les cris silencieux qu’on a envie de pousser, ligne après ligne, et ne pas jouer le rôle de l’arbre qui tombe dans la forêt sans témoin (et pour peu que ce soit un chêne on passe vite pour un gland), les réseaux sociaux et autres réalités 2.0 peuvent permettre une économie de psychothérapie ; ça ne creuse pas le trou de la sécu et ça n’élargit pas celui de la couche d’ozone, que du bonheur donc. :)
Ah le temps… c’est un tout autre problème x) Et comme tu dis, heureusement qu’il y a internet pour nous offrir cet exutoire et un petit public ^^